Il y a quelques jours, la publication d’un mauvais chiffre du chômage aux USA a propulsé les indices boursiers vers de nouveaux records. Naturellement, pour le citoyen lambda cela semble incompréhensible et nul ne saurait l’en blâmer. Pourtant, ce phénomène n’a rien d’exceptionnel ; il est même devenu tout à fait banal depuis quelques années, précisément depuis que les cinq principales banques centrales du monde, la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon et la Banque de Chine, se sont reconverties en gigantesques machines à imprimer de la monnaie. Au total, depuis le début de la crise fin 2007, c’est autour de 10 trillons de dollars (= dix mille milliards) qui ont été injectésex-nihilo dans l’économie, soit environ 1.500 dollars par habitant de la planète, ou encore 15 % du PIB mondial.
Le mécanisme est simple, même s’il est pervers. Tant qu’une reprise soutenue ne sera pas confirmée sur plusieurs mois, les banques centrales continueront d’acheter des titres sur le marché. Actions ou obligations, directement auprès du Trésor public ou sur le marché secondaire, peu importe, l’effet est le même, les cours ne peuvent que monter, offrant ainsi des perspectives de plus-values rapides et même supérieures à celles qu’un investisseur pourrait escompter en investissant dans l’économie réelle. La monnaie injectée est ainsi captée dans des bulles spéculatives et détournée de son objectif initial.
Les banques centrales peuvent-elles stopper la machine à imprimer ? Même si elles affirment le contraire, la réponse est non : elles sont prises au piège, on l’a vu en juin dernier lorsque la Réserve fédérale s’était risquée à suggérer une simple diminution de son programme d’achats de titres.
Certains vous diront que telle n’était pas l’intention des banquiers centraux à l’origine. D’autres préféreront avancer un autre argument : la hausse de la Bourse augmente la valeur des patrimoines et, par voie de conséquence, devrait tôt ou tard stimuler la consommation. Sauf que pour tirer parti d’une plus-value boursière, il faut vendre ses titres. Pas de vente, pas de profit, et si tout le monde vend en même temps, adieu les plus-values.
Les banques centrales peuvent-elles espérer une reprise qui permettrait à l’économie réelle de prendre le relais ? C’est le calcul que font les hommes politiques et sur lequel ils s’appuient pour afficher un optimisme de façade. La réalité, c’est qu’aux USA la reprise économique est anémique et la confiance en berne ; au Japon, « madame Watanabe » (= ménagère japonaise) fait la sourde oreille aux exhortations du gouvernement à consommer davantage ; la Chine, elle, est sous la menace d’un krach immobilier aux dimensions apocalyptiques ; quant à l’Europe, on y pratique la méthode Coué pour ignorer un risque politique véritablement explosif.
Que va-t-il se passer maintenant ? Au guichet, les banquiers vont redoubler d’imagination pour inciter leurs clients à investir, mais en coulisse beaucoup de grands fonds d’investissements ont déjà le doigt suspendu au-dessus du bouton « vendre ». Le problème est que personne ne sait qui va appuyer le premier, ni quand.
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