Ce n’était qu’une élection cantonale dans une petite ville du Sud-Est, mais toute la France, ce dimanche soir, avait les yeux fixés sur Brignoles.
Il ne s’agissait que d’élire un conseiller général, mais chacun, sur place et ailleurs, avait conscience de l’enjeu. La baisse de l’abstention – douze points de plus d’un dimanche sur l’autre – en attestait. A qui allait-elle profiter ? Légitimerait-elle ou démentirait-elle la thèse suivant laquelle le score de Laurent Lopez, au premier tour, n’était dû qu’à la plus forte mobilisation de l’électorat du Front national ?
Ce n’était qu’une élection partielle, et une partielle ne fait pas le printemps, mais venant après huit autres partielles qui étaient allées dans le même sens, celle-ci confirmerait-elle la progression du Front national ou donnerait-elle le coup d’arrêt à l’irrésistible ascension de Marine Le Pen ?
Ce n’était qu’un cas particulier, mais les états-majors et les commentateurs politiques s’apprêtaient à en tirer des leçons générales.
Brignoles a voté, et malgré l’augmentation du nombre des votants, le candidat du Front national a progressé en voix comme en pourcentage par rapport au premier tour. Le front républicain n’a pas fonctionné. La gauche – au moins une partie de la gauche – a refusé à la candidate de la droite parlementaire l’appoint que la droite – au moins une partie de la droite – aurait vraisemblablement refusé à un candidat de gauche.
Si les socialistes se sont, depuis des années, parfaitement accommodés du scrutin majoritaire instauré par la droite dès 1959, c’est que celui-ci, favorable aux grands partis, mettait l’électeur dans l’obligation de choisir au second tour entre l’un des deux grands blocs qui, en vertu d’une loi non écrite, jouissaient alternativement de l’exclusivité du gouvernement.
Dominique
Jamet
Journaliste et écrivain.
L’élection de Brignoles annonce un changement de la donne. Au prochaines municipales et davantage encore lors des prochaines régionales, des prochaines législatives, de la prochaine présidentielle, le Front national peut sortir vainqueur aussi bien d’élections triangulaires que de duels. Dès lors, les deux grands « partis de gouvernement » vont-ils opter pour la proportionnelle qui leur assurerait au moins la certitude d’obtenir un nombre d’élus correspondant à leur poids réel, se conserveront-ils le mode de scrutin actuel en restant divisés, ce qui leur ferait courir le risque, comme aux Curiaces, d’être défaits par leur adversaire le plus fort ? Envisageront-ils un rapprochement contre nature qui se traduirait vraisemblablement par un éclatement de l’UMP et du Parti socialiste et qui leur ferait jouer leur maintien au pouvoir à quitte ou double ? Le Parti socialiste se bornera-t-il à prendre acte d’une impopularité qui lui promet la défaite en 2017 ? L’UMP sur la pente descendante se rapprochera-t-elle d’un Front national en pleine progression, ce qui se traduirait également par son explosion et son absorption pour partie par le Front national, pour partie par la gauche ?
Dès à présent, l’élection de Brignoles pose les bonnes questions, comme dirait Laurent Fabius. Le corps électoral, n’en doutons pas, saura trouver les bonnes réponses.
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